Avec Inspiration4, « Elon Musk montre qu’il est en avance sur tous les plans » analyse Didier Schmitt
Comment doit-on qualifier les quatre membres d'Inspiration4 ? Touristes spatiaux, astronautes, astronautes amateurs, voire un autre terme à inventer ? À cette question et bien d'autres, Didier Schmitt, responsable de la stratégie de l'exploration humaine et robotique à l'ESA, nous donne des réponses et apporte son point de vue. Des avis éclairés et intéressants.
Le retour sur Terre d'Inspiration4 et son équipage de quatre civils montre que tout un chacun peut voler dans l'espace sans être astreint à un entraînement soutenu ou être dans une forme olympique.
S'il ne fait guère de doute qu'au sein des communautés d'astronautes et d'experts des questions spatiales la mission Inspiration4 divise, tous sont d'accord pour souligner le changement d'époque qui s'opère sous nos yeux.
Didier Schmitt : Il y a beaucoup de symboles dans cette mission.
Futura : que vous inspire la mission Inspiration4 ?
Par contre, deux des quatre membres d'Inspiration4 ont reçu toute l'information nécessaire pour savoir comment fonctionne le Crew Dragon et le piloter en cas de problème !
Didier Schmitt : Très bonne question.
Comment qualifieriez-vous ces civils dans l’espace ? Des touristes spatiaux, des astronautes amateurs ou des astronautes ?
Ce qu'ils font en orbite ne peut pas s'apparenter à du tourisme au sens où nous l'entendons.
"Ce ne sont pas « juste » des touristes comme l'a été Dennis Tito, par exemple, qui lors de sa mission à bord de l'ISS était accompagné et pris en main par des astronautes professionnels, de son lancement à son retour sur Terre."
Il sera peut-être nécessaire de trouver un terme ou un mot qui les qualifie ?
Ils ont reçu un entraînement basique de six mois et si je devais oser une comparaison je dirais qu'on peut les situer entre des explorateurs et des touristes engagés.
Astronautes amateurs ?
Didier Schmitt : Amateur, cela me semble un bon terme mais je suis assez convaincu qu'il sera nécessaire de trouver un autre qualificatif.
"On peut envisager « astro-viators, les voyageurs de l'espace »."
Didier Schmitt : Pour l'instant, non.
Seriez-vous prêt à envisager d’utiliser les services de SpaceX, ou tout autre opérateur privé, pour l’entraînement de vos astronautes, voire réaliser des missions ?
Les règles ITAR, limitent, voire empêchent de coopérer avec la Chine dans le domaine des vols habités, et côté américain la coopération post-ISS reviendrait à financer indirectement nos concurrents - Falcon 9 étant le concurrent d'Ariane 6.
C’est-à-dire ?
Didier Schmitt : Aujourd'hui, l'argent ne va pas directement dans les poches des industriels américains.
Ainsi, l'ESA fournit le module de service d'Orion en échange du loyer qu'elle doit s'acquitter pour utiliser l'ISS, y compris les occupants, comme Thomas Pesquet.
Or, le Falcon 9 lui revient officiellement à moins de 30 millions de dollars et le Crew Dragon est déjà en partie financé car il est réutilisable !
Didier Schmitt : C'est très différent.
Quelles différences voyez-vous entre cet équipage et les astronautes que vous formez ?
"Ils ont réalisé quelques expériences scientifiques pour s'occuper mais les capacités d'emport du Crew Dragon et la durée de la mission imposent des limites à ce qui peut être réalisé à bord en matière de « loisirs » ou d'activité scientifique par exemple."
À contrario, nos astronautes sont formés et entraînés pendant plus de quatre ans pour répondre à des besoins sans commune mesure à ce qui peut être réalisé à bord d'une capsule.
Ils sont formés pour maintenir en activité opérationnelle l'ISS, sortir dans l'espace et réalisé tout un tas d'activités technologiques et scientifiques dont des expériences très poussées.
Didier Schmitt : Oui, parce qu'il faut savoir qu'en parallèle la Nasa vient de sélectionner 12 sociétés qu'elle finance pour développer des concepts de stations spatiales en orbite basse purement privées sur une base commerciale.
Ce vol ouvre-t-il une nouvelle ère de l’utilisation habitée de l’orbite basse, voire de l’exploration humaine ?
Ce business-case est donc viable, car soutenu par la Nasa qui en sera un client solide "afin de pérenniser une présence en orbite basse à moindre coût par rapport à l'ISS, et de ne « pas laisser l'orbite basse aux Chinois », comme cela a été dit à Washington."