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« Il y aura un avant et un après Gaia ! » avec François Mignard, responsable scientifique de Gaia France

Sciences
En août 2013, lors d'une présentation du satellite Gaia chez Airbus, nous avions rencontré François Mignard, alors directeur de recherche au CNRS et premier responsable du consortium de traitement des données durant sept ans. À l'occasion de la première publication du catalogue complet de la mission, nous l'avons de nouveau rencontré. Aujourd'hui, responsable scientifique de Gaia France, François Mignard est revenu sur ses réponses de 2013 et les a confrontées aux dernières données Gaia rendues publiques aujourd'hui.
À l'occasion de la remise des données DR3 de la mission Gaia, qui sera aussi la première publication du catalogue complet de la mission, nous avons interviewé François Mignard, directeur de recherche émérite au CNRS et responsable de la participation française à Gaia.
Il nous a paru intéressant de relire son interview et de le confronter à ses réponses à nos questions de 2013 à la réalité des données de Gaia près de 10 ans plus tard.
La nouvelle remise des données, la DR3, c'est énorme !
Futura : En 2013, vous nous dites attendre des avancées significatives dans de nombreux domaines de l’astronomie. L'utilisation des données Gaia a-t-elle déjà permis certaines avancées, voire des avancées très significatives ?
Futura : Le principal objectif de Gaia est de créer la carte multidimensionnelle la plus précise et la plus complète de la Voie lactée de façon à mieux comprendre le cycle de vie des étoiles ainsi que notre place dans l’Univers. Gaia répond-il à vos attentes ?
Pour chaque étoile qu'il peut détecter dans la Galaxie, Gaia est capable de mesurer sa position et son mouvement, à chaque fois en trois dimensions, sa couleur ainsi que ses propriétés physiques et même chimiques pour les plus brillantes.
Les données de Gaia nous racontent une histoire que nous ne soupçonnions pas.
Quels que soient les domaines concernés, les mesures de Gaia ont un facteur multiplicateur de x10 à x500 dans certains cas.
On peut penser qu'aujourd'hui il n'y a pas un astronome qui n'utilise pas les données Gaia, même sans le savoir.
François Mignard : Gaia, ce n'est pas seulement des résultats scientifiques.
Futura : Sociologique ? C’est-à-dire ?
L'accaparement des résultats par toute la communauté astronomique est peut-être le meilleur signe du succès de la mission Gaia.
Les données de Gaia sont aujourd'hui à l'origine de 15 % à 20 % des articles publiés en astronomie, ce qui correspond à 1.600 articles par an.
C'est aussi la première fois que le taux de production d'articles scientifiques d'une mission de l'ESA dépasse celui d'Hubble, de l'ordre de 1.000 articles par an.
François Mignard : Oui, principalement pour la Voie lactée.
Futura : Gaia devait bousculer nos connaissances dans de nombreux domaines de l’astronomie. Les données Gaia ont-elles remis en cause des connaissances qui semblaient définitivement acquises ? Si oui, lesquelles ?
La composition des étoiles peut nous renseigner sur leur lieu de naissance et leur voyage par la suite, donc sur l'histoire de la Voie lactée.
Futura : Concernant les astéroïdes, Gaia a-t-il été à la hauteur de vos attentes et ses données permettent-elles aujourd'hui de se faire une idée bien plus précise sur les risques de collision avec la Terre ?
Sur ce point Gaia a été devancé par les systèmes automatiques de surveillance du ciel.
Si la surveillance du ciel était restée en l'état, Gaia aurait été fantastique pour cette tâche.
Concrètement, Gaia a amélioré la mesure de l'orbite de 160.000 astéroïdes et identifié des familles d'astéroïdes à partir de la mesure photométrique des propriétés de surface.
Futura : Concernant les quasars, vous m'avez expliqué que leur référencement ne sera pas simple. Qu'en est-il exactement ? Gaia vous a-t-il agréablement surpris sur ce point ?
François Mignard : C'est une des très bonnes surprises de la mission.
Futura : Gaia devait en référencer environ 500.000 !
François Mignard : C'est exact, mais l'impact ne s'arrête pas là.
"Notez qu'avec les quasars « de Gaia », on a montré que "le Système solaire était en accélération par rapport à l'espace cosmologique.
On met en évidence que le Système solaire ne se déplace pas en ligne droite, et que sa trajectoire a une petite courbure : il semble amorcer un virage et tourne autour du centre de la Galaxie.
Ce n'est pas un résultat incrémental, c'est quelque chose de fondamentalement nouveau dans l'histoire de la Voie lactée.
Futura : Vous m'avez dit vous attendre à des découvertes et des surprises sans qu'il soit possible d'en prévoir la nature. Des découvertes inattendues et des surprises ont-elles émergé des données Gaia ?
Autre surprise, la galaxie naine du Sagittaire, voisine de la Voie lactée en rotation perpendiculaire par rapport au plan.
Elle perturbe la voie lactée et engendre des oscillations à partir du centre, comme des ondes sur l'eau.
Parmi les autres bonnes surprises, on peut citer les données spectroscopiques.
Nous prévoyions que le satellite aurait pu réaliser des tests comparant les prédictions de la mécanique céleste basée sur la relativité générale.
Futura : Enfin, y a-t-il une « déception » dans le sens ou les données Gaia ne sont pas suffisantes ou pertinentes pour répondre à une ou des questions pour lesquelles vous comptiez pour y répondre ?
On va avoir du mal à le faire à la précision attendue parce que le signal de la déviation de la lumière par le soleil est fortement corrélé à la parallaxe et à des effets instrumentaux, ce qui ne permet pas d'isoler la signature du phénomène.
Futura : Y a-t-il un intérêt de réaliser un Gaia 2, voire un successeur qui pourrait prendre une architecture très différente dans sa conception ?
François Mignard : Tout comme Gaia qui a été pensé par des gens qui travaillaient sur Hipparcos, un groupe de scientifiques impliqués dans Gaia a proposé à l'Agence spatiale européenne, une ligne de travail qui s'appelle Gaia NIR (dans le proche infrarouge).
Futura : Quel est l’intérêt d’un « Gaia fonctionnant dans le proche infrarouge » ?
François Mignard : Le centre galactique.
L'idée est aussi de se focaliser sur les exoplanètes.