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L'image révélant le trou noir supermassif de la Voie lactée commentée par Françoise Combes

Sciences
Les membres de la collaboration Event Horizon Telescope ont réussi un exploit historique prometteur pour mieux comprendre la physique de la gravitation et le monde des galaxies. Il s'agit de l'obtention avec des radiotélescopes de la première image de ce qui semble bien être un trou noir supermassif au cœur de la Voie lactée, Sagittarius A* (SgrA*). Spécialiste mondiale des galaxies et étudiant leurs trous noirs supermassif, Françoise Combes commente cette découverte pour Futura.
La théorie de la relativité générale d’Einstein a été formulée il y a un peu plus de 100 ans maintenant.
Tentatives vaines sur ces derniers points si bien que la majorité des physiciens et des astrophysiciens de l'époque vont surtout s'occuper de développer les conséquences de la découverte par Heisenberg et Schrödinger des équations de la mécanique quantique dans les domaines de la physique atomique et nucléaire et de créer la théorie quantique et relativiste des champs qui y est impliquée.
Mais, incontestablement, comme aimait à le rappeler le prix Nobel de Physique Subrahmanyan Chandrasekhar", « la théorie de la relativité générale est une théorie de la gravitation et comme la théorie newtonienne de la gravitation, qu'elle affine et élargit, son foyer naturel est l'astronomie" », de sorte qu'elle va connaitre une renaissance à partir des années 1960 avec la découverte des quasars, du rayonnement fossile du Big Bang et enfin, des pulsars.
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C'est à partir de ces années, et surtout pendant les années 1970, que l'on va développer intensivement la physique des trous noirs, des ondes gravitationnelles et explorer aussi des alternatives à la théorie de la gravitation d'Einstein qui, tout en supposant qu'il existe le même espace-temps courbe, vont postuler des équations différentes de celles d'Einstein (On va les tester au cours de ces années dans le Système solaire et avec des pulsars binaires).
On va réaliser également que les trous noirs doivent contenir les clés d'une théorie quantique de la gravitation, clé probable à son tour de la naissance de l'Univers, de la matière qu'il contient et de l'apparition des galaxies et des grandes structures qui les rassemblent.
Il se trouve que nous pensons avoir la chance d'avoir un trou noir à notre disposition pour étudier via des observations cette fois-ci toutes ces questions dans notre Voie lactée et il est supermassif, comme au cœur de quasiment toutes les autres grandes galaxies, qu'elles soient spirales ou elliptiques principalement.
On le désigne sous le nom de Sagittarius A* (SgrA*) et il est situé à environ 27.000 années-lumière du Système solaire.
Du VLTI à l'EHT
Pendant des décennies, les progrès de son étude vont se faire essentiellement en étudiant les mouvements de certaines étoiles proches autour de Sagittarius A*.
S'il s'agit bien d'un trou noir, ce qui implique qu'il possède un horizon des événements qui définit une sorte de membrane fermée que l'on ne peut traverser que dans un seul sens -- car il faudrait dépasser la vitesse de la lumière pour en sortir --, on ne sait pas encore très bien s'il est décrit par la solution des équations d'Einstein pour un trou noir sans rotation, la fameuse solution de Schwarzschild, ou en rotation comme on le pense, ce qui implique que l'espace-temps est celui de la solution dite de Kerr.
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L'un des outils de la noosphère pour répondre à ces questions est l'Event Horizon Telescope (EHT) qui est une combinaison virtuelle de plusieurs radiotélescopes sur notre Planète bleue et qui a en fait une taille équivalente, ce qui le dote d'un pouvoir de résolution qui permettrait d'observer avec son équivalent dans le visible un donut à la surface de la Lune.
Ce 12 mai 2022, les membres de la collaboration EHT ont révélé la première image de Sagittarius A* qui montre en partie un disque de plasma chaud indiquant que de la matière est accrétée.
"On parle à ce sujet de « la sphère des photons » et c'est en partie elle que l'on voit sur l'image en fausses "couleurs et qui est brillante.
Sa forme et sa taille exacte dépendent de la théorie de la gravitation utilisée et de la nature de l'astre compact qui est ou imite un trou noir classique.
La région centrale apparait donc comme sombre car le trou noir lui-même n'est pas censé émettre de rayonnement mesurable -- pas même de rayonnement Hawking car sa température serait plus basse que celle du rayonnement fossile actuel, de sorte que le trou noir se comporte comme un objet qui est plus froid.
Les caractéristiques de l'image obtenue sont une mine d'informations sur la physique des trous noirs, ou des astres qui pourraient les imiter, ainsi que sur la physique de l'accrétion de la matière faisant intervenir la magnétohydrodynamique relativiste en espace-temps courbe et qui gouverne l'origine du rayonnement des quasars et la croissance conjointe des galaxies et des trous noirs supermassifs qui sont présents en leur cœur.
Jean-Pierre Luminet a été le premier à calculer en 1979 sur ordinateur l'aspect d'un trou noir accrétant de la matière et dans un précédent article de Futura, il avait commenté les résultats aujourd'hui publiés dans plusieurs articles concernant l'image de Sagittarius A*.
L'image du trou noir de Sgr A* qu'a publiée la collaboration EHT jeudi 12 Mai dernier, après cinq années de calculs et d'analyses, nous renseigne beaucoup sur la masse et le spin du trou noir de notre Galaxie, la Voie lactée.
Voici ses réflexions
L'image apporte la taille de l'anneau de lumière, qui se trouve à 26 micro-arcseconde en rayon, soit 0,2 UA, ou bien 1,6 minute-lumière.
Or le rayon de l'horizon, pour un trou noir de 4 millions de masses solaires, vaut Rh=0,08 UA.
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Les deux images des trous noirs de M87 et de SgrA* se ressemblent beaucoup.
Une des différences est l'apparence de trois grains de lumière dans l'anneau de SgrA*, alors que celui de M87 est plus continu, ou se sépare seulement en deux.
Comparaison de la taille des deux trous noirs imagés par la collaboration Event Horizon Telescope (EHT) : M87*, au cœur de la galaxie Messier 87, et Sagittarius A* (Sgr A*), au centre de la Voie lactée.
Des milliers de simulations ont été faites, et le gaz ionisé tourne rapidement autour du trou noir, forme comme des bras spiraux, qui deviennent plus brillants à leur tangence avec l'anneau lumineux, où la lumière est amplifiée par lentille gravitationnelle forte.
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Le fait qu'une partie de l'anneau est plus sombre provient de l'effet Doppler relativiste qui booste la lumière qui vient vers nous.
Le disque de gaz peut s'approcher plus près du trou noir, si celui-ci a un spin, qui tourne dans le même sens que le disque de gaz, ce qui semble être le cas pour SgrA*, mais bien sûr avec une incertitude, vu les limites de la résolution angulaire.
Le spin du trou noir serait environ égal à la moitié du maximum possible (a=0.5).
Ceci est obtenu avec une grande quantité de simulations, en faisant varier inclinaison, spin, et aussi nature du disque d'accrétion, et de son champ magnétique.
Comme pour M87, un disque MAD (Magnetically Arrested Disk) ou bien plus normal (Sane : Standard And Normal Evolution), ont été simulés, et les prédictions ont été comparées aux observations.
© Kazunori Akiyama et al., 2022 ApJL 930 L16
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Des tests ont aussi été effectués avec des théories alternatives, où il n'y aurait pas d'horizon, mais toutes sont en échec, ce qui confirme le modèle de relativité générale, et la métrique de Kerr autour d’un trou noir en rotation.