L'imagerévélantletrounoirsupermassifdelaVoielactéecommentéeparJean-PierreLuminetL'imagerévélantletrounoirsupermassifdelaVoielactéecommentéeparJean-PierreLuminetDiagonal_lineDiagonal_line
Sciences

L'image révélant le trou noir supermassif de la Voie lactée commentée par Jean-Pierre Luminet

Les images des trous noirs que peut livrer l'Event Horizon Telescope ouvrent un nouveau chapitre de l'histoire de l'astrophysique relativiste et donc de l'histoire de l'Humanité. Parmi les pionniers de cette nouvelle imagerie en astrophysique qu'illustrent aujourd'hui les images des trous noirs supermassifs de M87 et de la Voie lactée il y a l'astrophysicien Jean-Pierre Luminet qui commente les observations de l'EHT pour Sgr A* au coeur de notre Galaxie.
Il y a environ 2.500 ans, le philosophe grec Anaxagore, représentant de l'école ionienne qui comportait des penseurs et des savants aussi illustres que Thalès et Anaximandre préfigurant les maîtres de la philosophie naturelle moderne, tel Einstein ou Pauli", avançait que « le but de la vie est l'investigation du Soleil, de la Lune et des cieux »."
Toujours est-il que plus de 300 personnes ont consacré une partie de leur vie au succès de la collaboration Event Horizon Telescope (EHT) qui vient de nous révéler la première image du trou noir supermassif présumé qui se trouve au cœur de la Voie lactée et qui avait été découvert la première fois sous la forme d'une source radio puissante : Sagittarius A*.
Swipe up to watch the video
Aussi appelée Sgr A*, l'image obtenue le concernant grâce à la fameuse technique de synthèse d'ouverture par interférométrie qui permet de combiner les observations de plusieurs télescopes pour obtenir un instrument virtuel dont la taille peut atteindre plus de 300.000 kilomètres de diamètre, avait déjà été en partie simulée il y a une vingtaine d'années par le radioastronome néerlandais-allemand Heino Falcke, aujourd'hui professeur de radioastronomie et de physique des astroparticules à l'Université Radboud de Nijmegen.
Mais il n'est pas le premier à avoir prédit l'aspect que devait avoir un trou noir entouré d'un disque d'accrétion et donc ce à quoi des astronomes devaient s'attendre à voir en utilisant un instrument adéquat.
Comme Futura l'a rappelé à plusieurs reprises, c'est bel et bien l'astrophysicien et cosmologiste Jean-Pierre Luminet à qui revient l'honneur d'avoir été le premier à calculer de façon réaliste à l'aide d'un ordinateur en 1979.
Rappelons aussi que Jean-Pierre Luminet avait expliqué en détail, en français et en anglais sur le blog que Futura a mis à sa disposition, l'origine et les caractéristiques des images des trous noirs entourés d'un disque d'accrétion avec un plasma chaud que l'on pouvait s'attendre à voir.
Futura avait donc relayé à l'occasion de la révélation, ce 12 mai 2022, de l'image de Sgr A* les premiers commentaires de Jean-Pierre Luminet qu'il nous avait signalés et qu'il avait mis sur sa page Facebook.
Jean-Pierre Luminet et Sagittarius A*
Le taux d'accrétion (masse de gaz absorbée par unité de temps) de SgrA* est en effet très faible, très en dessous du taux maximal (limite d'Eddington), ce qui était aussi le cas de M87*.
2/ Contrairement à ce que certains espéraient, il n'y a pas de vidéo ni de time lapse : pour cela, il faudra au moins attendre les résultats de la deuxième campagne d'observations qui a eu lieu en mars 2022, soit pas avant 2024.
Swipe up to watch the video
3/ Le système est vu encore plus de face que M87* (c'est-à-dire un angle de vue polaire, quasiment 90° au-dessus du plan du disque.
4/ La principale différence concerne les taches chaudes.
Mais ce vendredi 13 mai 2022, Jean-Pierre Luminet est en partie revenu sur ses premiers commentaires à la suite d'une lecture plus approfondie des articles scientifiques mis en lignes par la collaboration EHT.
"Hier après-midi, j'ai fait quelques commentaires « à chaud » sur l'image du trou noir galactique Sgr A* et de son disque d'accrétion juste après avoir écouté la conférence de presse qui n'avait donné que très peu de détails techniques."
L'ombre de Sgr A* et le Machine Learning
Hier soir, j'ai commencé à lire les articles spécialisés, et il s'avère que tout n'est pas aussi clair que ce que je pensais concernant l'inclinaison de la structure d'accrétion par rapport à l'observateur.
J'ai écrit que le système était vu de face parce qu'on ne voyait pas d'effet Doppler, et les trois taches brillantes de la structure gazeuse étaient des bulles de gaz chauds.
De fait, contrairement au système de M87* montrant clairement des jets, ce qui permettait de fixer une inclinaison de 30° par rapport à l'axe polaire (donc de 60° par rapport au plan du disque), Sgr A* ne montre pas ou plus de jets - sans doute parce que le taux d'accrétion est devenu extrêmement faible par rapport à des temps passés.
Il en résulte que les observations ne donnent aucune indication sur l'inclinaison du système Sgr A* par rapport à l'observateur (ici je précise, à la lecture de certains commentaires, qu'il n'y a strictement aucune raison pour que le plan du disque ou du tore d'accrétion soit aligné sur le plan galactique, les deux systèmes aux échelles de taille et de masse radicalement différentes étant totalement découplés sur le plan dynamique).
Swipe up to watch the video
En tout état de cause, les meilleurs (ou moins mauvais) ajustements sont obtenus pour un angle d'inclinaison de 10° par rapport à l'axe polaire, soit 80° par rapport au plan du disque, et toutes les inclinaisons supérieures à 50° (c'est-à-dire proches d'une vue de profil comme celle que j'avais publiée en 1979) sont totalement exclues.
Pour les taches chaudes, c'est moins clair.
Il est certain qu'en raison de la turbulence magnétohydrodynamique, il y a des bulles de gaz chauds qui apparaissent plus lumineuses que le reste de la structure d'accrétion, mais elles tournent autour du trou noir à des vitesses proches de la vitesse de la lumière et effectuent un tour complet en quelques minutes à peine, de sorte qu'avec la résolution temporelle limitée de l'EHT, il est impossible de les localiser précisément.
Concernant le spin "du trou noir (moment angulaire normalisé, compris entre 0 pour une rotation nulle et 1 pour le maximum permis par la relativité générale), un des articles mentionne un « best fit » de 0.5, valeur assez élevée qui me surprend un peu dans la mesure où d'autres observations pré-EHT suggéraient que le spin de Sgr A* ne devait pas dépasser 0.1."
Je pense qu'il faudra attendre au moins 2024 pour avoir de nouveaux résultats issus de la campagne du réseau EHT étendu, qui s'est déroulée en mars dernier.
Swipe up to watch the video
*L'envoi du Mag Futura se fait après le troisième mois d'inscription.