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Planète

« On peut tout ignorer des insectes, mais c’est se priver d’une composante fabuleuse du réel »

L'entomologiste Henri-Pierre Aberlenc a coordonné l'ouvrage Les insectes du monde, publié en mars 2021, qui compile le travail de 54 scientifiques sur les insectes. Ce spécialiste et passionné des insectes travaille au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, le Cirad.
Comparés à d'autres organismes vivants, les insectes ne suscitent pas toujours l’émoi ni l’intérêt du grand public.
Photographe
Dans cette interview, Henri-Pierre Aberlenc revient sur les connaissances actuelles sur les insectes et les moyens à mettre en œuvre pour les protéger alors qu'il n'existe toujours pas de méthodes de protection adaptées à leur nature particulière.
Nos connaissances sur les insectes, accumulées en plus de deux siècles et demi de recherche par des dizaines de milliers d'entomologistes, et enrichies chaque jour par de nouvelles publications, sont énormes, mais très loin d'être suffisantes.
Où en sont actuellement nos connaissances sur les insectes ?
De plus, on n'en sait pas beaucoup sur la biologie de la majorité du million d'espèces connues, car on ne connaît la biologie en détails que de quelques dizaines de milliers d'espèces au maximum, ce qui est en soi beaucoup, mais reste minoritaire... Avec les insectes, on est dans les chiffres superlatifs !
Innombrables par le nombre d'espèces et le nombre d'individus, présents dans tous les maillons des chaînes alimentaires, les insectes sont des éléments irremplaçables des écosystèmes aquatiques et terrestres.
Les insectes sont-ils des sentinelles de l’état des écosystèmes ?
Oui, car c'est au sein du Vivant un univers immense ignoré du grand public, des politiques et de la majorité des scientifiques qui n'en connaissent qu'une minorité d'espèces non représentatives de leur globalité.
Sont-ils les oubliés de la préservation de la biodiversité ?
On ne peut pas se soucier de ce que l'on ne connaît pas, c'est normal.
D'abord, ne pas gérer leur protection comme celle des vertébrés !
Comment faire pour mieux les protéger ?
Par exemple, cela a du sens de compter les couples de rapaces nicheurs sur un territoire donné et de les protéger en tant qu'espèces.
La seule protection sérieuse des insectes, c'est de protéger leurs habitats - et aussi de réduire drastiquement ce qui les détruit en masse : pesticides, éclairages nocturnes, artificialisation de l'espace rural, etc...
Enfin, il faut le dire avec force, ce ne sont pas les prélèvements d'échantillons par les entomologistes qui sont la cause de leur déclin, et il est absurde d'entraver les activités et de persécuter par des mesures administratives ubuesques les activités de ceux qui permettent de connaître la réalité de l'entomofaune !
J'espère que ce livre Les insectes du monde contribuera à sa modeste échelle à rendre les insectes populaires !
Comment transmettre la passion de l’entomologie que vous portez auprès du plus grand monde ? Que diriez-vous aux personnes qui tendent à ignorer, voire à ne pas aimer, les insectes ?
"On parlait jadis de l'idéal culturel et éthique de « l'honnête homme », je dirais qu'aujourd'hui un « honnête homme » et une « honnête femme" » ne peuvent ignorer ce monde qui coexiste avec nous.
On peut tout ignorer des insectes, mais c'est toujours se priver d'une composante fabuleuse du réel et c'est triste de passer à côté de cela.
"De plus, il est bon de sans cesse élargir notre conscience et de réviser tout au long de notre vie nos notions de ce qui est digne d'être aimé ou non, de ce qui est « sale » ou pas : l'étude des insectes est un excellent briseur de préjugés."
S'il m'est arrivé (comme je pense à tout entomologiste !)
Que pensez-vous de l’utilisation des insectes dans l’alimentation humaine ?
De plus, pour des raisons thermodynamiques évidentes (les insectes ne sont pas homéothermes), produire par exemple un kilogramme de protéine d'insecte nécessite moins de nourriture que produire un kilo de protéine d'oiseau ou de mammifère.
Propos recueillis par Julien Leprovost et Louise Thiers
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